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Préserver ses veines pendant la grossesse

Les varices sont un problème courant pendant la grossesse. Le Dr Ursula Arnold-Kühne, angiologue au cabinet Praxis für Gefässmedizin à Bâle, explique s’il s’agit d’un problème purement esthétique, ou bien si les varices peuvent avoir des conséquences sur la santé.

Pourquoi les veines sont-elles particulièrement éprouvées par la grossesse?
Dr Ursula Kühne-Arnold:
il y a plusieurs explications. La principale est le bouleversement hormonal dû à la grossesse. Du fait des taux élevés de progestérone et d’œstrogène, les veines ont davantage tendance à se détendre et se dilater. Pendant la gestation, le débit sanguin dans le corps de la future mère augmente en outre de 20 à 30 %, afin d’alimenter également l’enfant. En grossissant, le ventre comprime par ailleurs les vaisseaux sanguins du bassin, gênant le retour veineux vers le cœur.

Dans quelle mesure des facteurs tels que l’âge au moment de la conception ou des antécédents familiaux de varices sont-ils importants?
La femme enceinte a davantage de risques de présenter des varices s’il existe des antécédents dans sa famille, par exemple chez sa mère. L’âge de la future maman importe aussi: plus il est avancé, plus le risque de problèmes veineux est grand, tout simplement parce que le tissu conjonctif se relâche avec le temps. Une femme enceinte de 40 ans aura donc plus de soucis veineux qu’une autre de 25 ans. Et si la future mère présente déjà des varices avant sa grossesse, celles-ci auront tendance à s’aggraver.

Quels sont les autres facteurs de risque?
Beaucoup de femmes souffrent de constipation pendant leur grossesse. Le fait de pousser intensément pour aller à la selle et au moment de l’accouchement a également un effet néfaste sur les veines. Un surpoids antérieur ou une forte prise de poids pendant la grossesse sont d’autres facteurs prédisposants.

Quels sont les troubles veineux qui peuvent survenir pendant la grossesse?
Ce sont globalement les mêmes qu’en cas de problèmes veineux en dehors de la grossesse. Il s’agit typiquement d’une sensation de jambes et pieds lourds, de rétention d’eau, de démangeaisons et, dans les cas plus sévères, d’altérations cutanées. Commençons par la bonne nouvelle: les varices et troubles associés disparaissent généralement après l’accouchement ou pendant l’allaitement.

Ces troubles comprennent-ils les affections hémorroïdales?
En lien avec les facteurs de risque susmentionnés, des hémorroïdes peuvent apparaître pendant la grossesse. En outre, bien que ce soit assez rare, certaines femmes présentent des varices au niveau de la vulve, c.-à-d. des lèvres, au cours du dernier trimestre. Cela les inquiète souvent beaucoup, d’autant plus qu’elles peuvent être douloureuses, par exemple lorsqu’elles font du vélo. Cela vient du fait qu’en grossissant, le ventre entrave le flux sanguin, entraînant des congestions dans les grosses veines des jambes. Les interventions ne sont pas possibles pendant la grossesse. Mais l’activité physique ou le fait de surélever les jambes réduisent les douleurs. Dans la mesure du possible, il faut éviter de passer trop de temps en position assise. Ce type très désagréable de varice s’estompe lui aussi après l’accouchement.

Existe-t-il des signes d’alerte qui devraient inciter à consulter?
Les varices sont inesthétiques mais sans danger. Très rarement, à savoir chez un pour cent environ des femmes enceintes, une phlébite ou thrombose superficielle, c.-à-d. une inflammation veineuse, peut se produire au niveau d’une varice. La varice enflammée est alors très chaude, dure et extrêmement douloureuse. Un autre risque encore plus rare pendant la grossesse est celui de la thrombose veineuse profonde. Il concerne notamment les femmes qui ont des antécédents personnels ou familiaux de thrombose. Le traitement de choix est l’héparine de bas poids moléculaire pour fluidifier le sang.

Comment prévient-on ces troubles?
Les facteurs de risque sont les mêmes chez la femme enceinte que pour le reste de la population: le tabagisme favorise les varices. Mais il est beaucoup plus important de limiter sa prise de poids. Il faut en outre avoir une activité physique pour activer la pompe musculaire du mollet et surélever régulièrement ses jambes.

Que faut-il penser des bas de contention?
Ceux-ci sont considérés comme une importante thérapie de compression préventive si de nouvelles varices apparaissent ou lorsqu’elles sont antérieures à la grossesse. Il faut reconnaître que les collants de contention, qui vont du pied au nombril sont souvent désagréables à porter pendant la grossesse. À mon sens, ce qui importe surtout, c’est qu’il y ait une contention. Je préfère que mes patientes portent un bas qui s’arrête au genou plutôt que pas de bas du tout!

Les femmes enceintes peuvent-elles utiliser des crèmes pour les veines?
Oui, cela ne pose pas de problème. Ces pommades apaisent les démangeaisons et rafraîchissent les jambes. Il faut être plus prudent avec les médicaments pour les veines. Il n’existe à ma connaissance aucune étude démontrant qu’ils sont sans danger pendant la grossesse. Je préconise par conséquent plutôt des mesures globales et locales. Si elles s’avèrent insuffisantes, le mieux est de consulter son médecin traitant.

D’une manière générale, qu’est-ce qui est bénéfique pour les veines?
La méthode Kneipp est excellente. L’eau froide apaise les démangeaisons et a un effet rafraîchissant. Des formes d’exercice comme la natation ou l’aquajogging sont également recommandées. Du fait de la poussée d’Archimède, nous «pesons» moins lourd dans l’eau, la pression exercée sur le système veineux par l’arrondissement du ventre diminue. Autre avantage: l’eau soulage les articulations. Le vélo est également conseillé. En cas de doute sur les activités physiques adaptées à leur condition, les femmes enceintes doivent se renseigner auprès de leur gynécologue.

En quoi consiste le traitement?
Les varices s’estompent généralement après l’accouchement. Je recommande donc à mes patientes de n’entreprendre un traitement que lorsqu’elles n’envisagent plus d’autre grossesse, surtout si les varices posent «seulement» un problème esthétique. Un examen précis et une prise en charge individuelle permettent de déterminer la procédure la mieux adaptée.

*Dr Ursula Arnold-Kühne, angiologue au cabinet Praxis für Gefässmedizin à Bâle.

Cet article a été publié dans une édition d’astreaPHARMACIE et adapté pour le site web. L’édition complète d’astreaPHARMACIE est disponible en pharmacie et paraît dix fois par an.