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Sexualité: Galipettes estivales

Dans une relation de couple, la sexualité peut parfois entrer en mode léthargie. Dr Ines Schweizer, sexothérapeute et psychothérapeute à Lucerne, nous suggère quelques idées pour réchauffer, voire débrider notre vie sexuelle.

Dr Schweizer, compareriez-vous plutôt le sexe à un menu de restaurant étoilé, un bon plat de cuisine familiale ou un buffet de desserts?
Dr Ines Schweizer*
: l’alimentation et la sexualité ont effectivement beaucoup de choses en commun. Mais vous conviendrez certainement qu’un steak de première qualité peut devenir tout aussi monotone qu’une simple saucisse grillée ou n’importe quel dessert si l’on en mange tous les jours. Il faut d’ailleurs prendre en considération le fait que certaines personnes privilégieront la cuisine étoilée de bon aloi, tandis que d’autres préféreront la cuisine de tous les jours ou auront une prédilection pour les spécialités extrême-orientales. Mais, dans tous les cas, la monotonie freine l’appétit.

Faut-il absolument faire l’amour souvent, ou du moins régulièrement, pour une vie de couple harmonieuse et intense?
Dans le cadre d’enquêtes anonymes, les couples suisses déclarent en majorité faire l’amour deux fois par semaine – en sachant que les répondants mentent rarement autant que dans les sondages qui portent sur la sexualité. La réalité correspond davantage à une fréquence d’un rapport tous les 15 jours. Il est désormais établi que la fréquence des rapports diminue avec la durée de la relation de couple, indépendamment de l’âge des partenaires. Il n’y a toutefois pas de norme. Certains couples ont des problèmes relationnels en dehors de la chambre à coucher mais considèrent qu’il va de soi de continuer à faire régulièrement l’amour. D’autres mettent leur sexualité au placard à la moindre crise relationnelle – et d’autres encore font bon ménage sans que la question du sexe ne revête une grande importance.

Dans votre livre «Guter Sex», vous recommandez une sorte de cure pour stimuler la relation sexuelle du couple. Votre prescription de «faire l’amour une fois par jour pendant sept jours consécutifs» est-elle efficace?
Dans ma pratique quotidienne, selon les couples, je recommande même de poursuivre l’expérience pendant deux à quatre semaines – ce qui constitue clairement un défi pour les deux partenaires. Une telle «ordonnance» peut amener à faire des découvertes importantes. Le fait de faire l’amour tous les jours permet par exemple à certains hommes de prendre conscience que leurs besoins sexuels ne sont pas si irrépressibles qu’ils l’ont toujours cru. Ou à certaines femmes de se libérer de barrières psychologiques telles que «je dois dormir et être parfaitement reposée pour le boulot demain» ou «je dois encore m’occuper de ceci ou de cela dans la maison». La régularité sur ordonnance peut aussi amener à comprendre que le sexe lui-même peut procurer du plaisir même quand il ne s’accompagne pas d’une «nuit d’amour à plus finir».

Comment faire quand le désir sexuel des deux partenaires n’est pas aussi intense pour l’un que pour l’autre?
Qu’il s’agisse de nourriture, d’organisation des loisirs ou de tout autre domaine, il est rare que deux personnes aient exactement les mêmes besoins. Dans une relation de couple, le moins intéressé par le sexe ne doit toutefois en aucun cas faire comprendre à son partenaire: «Je n’ai pas besoin de ça. Si tu en veux plus, c’est ton problème.» D’où ma réponse très terre à terre à votre question: le couple doit trouver un compromis. Le partenaire le moins actif sur le plan sexuel ne doit par ailleurs pas toujours s’attendre à monter au septième ciel mais jouer le jeu pour l’amour de son partenaire et en retirer tout de même une satisfaction. Au lit comme ailleurs, il s’agit aussi de donner et de recevoir.

Comment les couples peuvent-ils réussir à parler intimement de leurs envies et de leurs attentes sexuelles quand la communication n’est fondamentalement pas leur fort?
Vous abordez là un sujet qui pose un vrai problème dans la thérapie sexuelle ou de couple. Nous constatons que de très nombreux couples sont trop rarement dans le dialogue et que leur communication manque par ailleurs souvent de profondeur: se mettre d’accord sur des questions organisationnelles comme les courses du week-end, par exemple, n’entre pas vraiment dans les critères d’un vrai dialogue de couple. De nombreux partenaires parlent donc globalement trop peu ou de manière qualitativement insatisfaisante l’un avec l’autre – sans compter qu’ils se trouvent devant le défi majeur de la communication: réussir à s’exprimer sur des questions liées à la sexualité, un sujet où la pudeur l’emporte souvent.

Comment engager le dialogue sur la sexualité?
Je recommande aux couples d’y aller en douceur et de commencer par avancer sur des questions générales. Je leur conseille de suivre un cours sur la communication de couple ou de se faire coacher par un thérapeute. Se fixer à l’avance une plage de temps pour parler est un bon exercice – par exemple en prenant régulièrement une heure le dimanche soir pour revenir sur la semaine qui vient de s’écouler et se confier mutuellement ce qui les a préoccupés, réjouis ou contrariés. En matière de sexualité, ce même rituel de temps de parole fixé à l’avance peut aussi être utile, chacun ayant l’occasion d’exprimer ce qui lui plaît, ce qui ne lui plaît pas, ce qu’il aimerait essayer… Les partenaires chercheront un vocabulaire commun pour désigner certaines parties de leur corps. Et, ici aussi, la règle de base est toujours: pratiquer, pratiquer et pratiquer encore.

Cette règle de l’entraînement vaut-elle aussi quand il y a une difficulté à atteindre l’orgasme?
Oui, dans la mesure où la sexualité peut s’apprendre jusqu’à un certain point. Toutefois, il faut être conscient que, pour le sexe comme pour le sport, tout le monde n’a pas les mêmes dispositions: certains coureurs sont incroyablement rapides sans tellement s’entraîner tandis que d’autres n’atteindront pas de performances de pointe malgré un entraînement intensif. Dans les relations sexuelles, il faut aussi compter avec un certain nombre de paramètres génétiques et non influençables, et avec certaines blessures psychiques que la vie peut vous infliger. Généralement, les femmes ont une sexualité qui s’adapte et évolue plus facilement, mais aussi plus vulnérable que celle des hommes.

Quels problèmes rencontrez-vous le plus souvent dans votre pratique?
Depuis des années déjà, le principal motif de consultation tourne autour du désir: quand un partenaire a davantage envie de sexe que l’autre. C’est souvent la femme qui est moins en attente de sexe mais, ces dernières années, le nombre d’hommes qui connaissent une baisse de libido a aussi sensiblement augmenté.
Quand les divergences restent minimes et que le couple les gère bien, il n’y a pas de danger. Mais la situation devient sérieuse quand il y a de grandes divergences de désir et de besoins. Les problèmes les plus fréquents des hommes sont, entre autres, les troubles de l’érection et l’éjaculation précoce. Chez les femmes, je suis surtout confrontée à des problèmes de vaginisme, un spasme des muscles péri-vaginaux empêchant la pénétration, suivis de près par les douleurs lors des rapports.

La tendresse est-elle une condition indispensable à des relations sexuelles de qualité, ou même à une sexualité débridée?
Bien sûr, il peut y avoir du sexe pour le sexe. Mais je suis convaincue qu’une sexualité vraiment satisfaisante passe obligatoirement aussi par la tendresse. La tendresse, comme l’érotisme, commence déjà dans les mots, la communication et de petits gestes attentionnés au quotidien. Je m’étonne toujours du nombre de couples qui parviennent à vivre l’un à côté de l’autre sans contacts corporels – c’est tellement triste! Devant la télévision, l’homme est assis à un bout du canapé et la femme à l’autre: comment la proximité érotique, la chaleur et le désir sexuel peuvent-ils naître dans ces conditions?
Contacts tendres et mots doux sont incontournables pendant les préliminaires: l’érotisme en paroles et en action. Le préambule à l’amour physique, avec toutes ses possibilités, s’étend sur toute la journée. Et recommence de nouveau dès que l’acte sexuel est fini.

Conseil de lecture
Caroline Fux, Ines Schweizer: Guter Sex – Ein Ratgeber, der Lust macht. Beobachter-Edition, en allemand. ISBN: 978-3-85569-823-3

*Dr rer. biol. hum. Ines Schweizer, psychothérapeute FSP reconnue au niveau fédéral, thérapeute en psychothérapie comportementale et cognitive SSTCC, sexologue SSS et DGSMTW, travaille comme sexologue et psychothérapeute indépendante et possède son propre cabinet à Lucerne (www.therapie-luzern.ch).

Cet article a été publié dans une édition d’astreaPHARMACIE et adapté pour le site web. L’édition complète d’astreaPHARMACIE est disponible en pharmacie et paraît dix fois par an.