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Harcèlement scolaire

Quand les spécialistes parlent-ils de harcèlement? Existe-t-il un profil type de victime ou de harceleur/se? En tant que parent ou enseignant(e), comment détecter ce phénomène caché chez les enfants? Monika Hauser, conseillère spécialisée, nous en dit plus.

Regina Speiser

Yoann manque de confiance en lui et ne se défend pas lorsqu’il se fait attaquer verbalement ou physiquement. Un groupe d’enfants de son école l’a bien compris et le prend pour cible. Ils commencent par se moquer de lui, puis se mettent à lui piquer ses affaires d’école puis à les casser et, enfin, s’en prennent à lui physiquement sur le chemin de l’école. Personne ne l’aide. Yoann a honte. Il est frustré de ne pas être accepté par ses camarades d’école et n’ose le dire à personne. À la maison, il invente des excuses pour expliquer ses affaires cassées ou perdues. Il a peur que les brimades ne s’aggravent encore s’il en parle à ses parents ou à l’enseignante. Ce n’est que lorsque ses résultats scolaires chutent et qu’il se plaint de plus en plus souvent de maux de ventre que ses parents et l’équipe enseignante se rendent compte que quelque chose ne va pas. À ce moment-là, il se fait harceler depuis plusieurs semaines déjà.

Qu’est-ce que le harcèlement au juste?

Les spécialistes parlent de harcèlement quand une personne est insultée, dépréciée, exclue, brimée ou frappée par d’autres personnes de manière répétée et sur une période prolongée. La culture anglosaxone, elle, parle de «mobbing». Le verbe «to mob» signifie tourmenter, insulter; le substantif «the mob» désigne une foule excitée ou, plus généralement, une meute ou une bande.

«À la base du harcèlement, il y a toujours un phénomène numérique opposant un groupe à un individu», explique Monika Hauser. Le groupe se compose généralement d’un ou parfois de plusieurs auteurs actifs, de suiveurs, de spectateurs et d’indifférents. Ces rôles sont bien répartis mais peuvent évoluer. Le but de l’auteur(e) du harcèlement est d’acquérir et de conserver un statut social élevé au sein du groupe. «C’est une question de reconnaissance et de pouvoir.»
Si un groupe ne s’attaque qu’une fois ou deux à une victime ou si un conflit éclate entre deux enfants, même s’ils se disputent ou se bagarrent plusieurs fois, ce n’est pas du harcèlement.

Le harcèlement peut toucher tout le monde

Les attaques et blessures constantes imposées à un individu peuvent connaître jusqu’à trois degrés d’escalade:

Pendant la phase de test, l’auteur(e) du harcèlement cherche une victime. Les victimes potentielles sont par exemple les élèves timides, ceux qui n’osent pas se défendre, mais aussi les enfants qui résistent avec beaucoup de véhémence ou encore ceux qui, en raison de leur coupe de cheveux, de leur manière particulière de rire ou de leur attachement à certains héros de fiction entrent dans le collimateur d’un(e) harceleur/se. Les motifs sont multiples et parfois difficiles à comprendre pour les personnes extérieures. «Le harcèlement n’est pas une affaire de classe sociale ou d’origine.» La victime est celui ou celle qui n’obtient pas le soutien d’autres enfants.

Pendant la phase de consolidation, les rôles de l’auteur(e), des suiveurs, des spectateurs et de la victime se cristallisent. Peu à peu, les valeurs et les normes des suiveurs se modifient. «Il devient normal de tourmenter la victime.»

Enfin, dans la phase de manifestation, les actes de violence psychique et physique s’aggravent de plus en plus. Les suiveurs considèrent désormais les actes de violence comme justifiés. «Ils sont persuadés que la victime mérite ce qui lui arrive.»

Un repérage difficile

Le harcèlement se produit souvent de manière sournoise, souligne Monika Hauser. De nombreuses victimes refoulent les évènements humiliants qu’elles subissent par honte ou par peur. Il est donc très difficile, même pour les proches, de détecter le problème. De plus, le harcèlement est un phénomène très répandu. M. Hauser estime que, de l’école enfantine à la fin du secondaire, une classe sur deux est touchée par le harcèlement. Elle conseille aux parents et aux enseignants d’être vigilants si un enfant se plaint souvent de maux de tête ou de ventre, s’il se replie sur lui-même, s’il a l’air apathique, si ses résultats scolaires se détériorent, si ses vêtements ou ses affaires sont souvent abîmés ou s’il présente des blessures inexplicables.
La conseillère en lutte contre le harcèlement est souvent invitée par les enseignants dans les classes dites «difficiles» pour travailler avec les enfants et les adolescents sur des questions comme l’honnêteté, le courage et le respect dans le cadre d’une «formation à la vie en société». Elle réalise alors systématiquement un «sondage sur le harcèlement». Les enfants sont invités à écrire ce qui les dérange dans le comportement de leurs camarades et qui, dans la classe, est le plus importuné ou mis à l’écart. Si au moins un tiers de la classe cite le même nom, la conseillère parle à l’enseignant(e), à l’enfant concerné et à ses condisciples.

L’implication émotionnelle

La victime et ses parents sont ensuite préparés à l’intervention d’un(e) professionnel(le) dans la classe. Le but de l’intervention est d’impliquer émotionnellement le groupe de harceleurs. La classe doit recenser en détail par écrit tous les actes de violence et réfléchir à la façon dont la victime a pu se sentir. «L’implication émotionnelle fait changer les choses.» Après la formation à la vie en société et l’intervention de lutte contre le harcèlement, l’enseignant(e) poursuit le travail pour obtenir des résultats durables. Pendant des plages horaires réservées, les élèves travaillent leurs compétences sociales et leur self-control. Les récidives sont sanctionnées.

«Le harcèlement est un problème systémique et ne peut se régler qu’avec l’intervention d’un(e) professionnel(le) auprès de toutes les personnes impliquées.» En prévention, les enseignants peuvent exercer au long cours les compétences sociales et personnelles de leurs élèves, établir clairement les règles de comportement en classe et exiger leur respect. Au moindre soupçon de harcèlement, les parents et les enseignants doivent se parler et échanger leurs observations. L’enfant doit ensuite être interrogé avec beaucoup de tact et de précautions.

Ce qu’il ne faut surtout pas faire en cas de suspicion de harcèlement!

  • Ignorer la situation.
  • Minimiser les faits.
  • Rejeter la faute sur la victime.
  • Menacer les harceleurs d’une intervention anti-harcèlement – cela ne change pas leurs sentiments pour la victime et les actes de violence se poursuivent.
  • Asseoir les parents des harceleurs et de la victime autour d’une même table – les parents défendent leurs enfants, ce qui génère incompréhension et agressivité chez les autres parents.
  • Parler uniquement aux harceleurs.

*Monika Hauser est assistante sociale en milieu scolaire dans une école primaire de Bülach. La pédagogue sociale a en outre suivi une formation de conseillère spécialisée en formation sociale et en lutte contre le harcèlement auprès des enfants et adolescents et propose, avec sa collègue Sascha Lüthi, des formations à la vie en société et des interventions anti-harcèlement sur demande dans les écoles. www.starke-klassen.ch

Cet article a été publié dans une édition d’astreaPHARMACIE et adapté pour le site web. L’édition complète d’astreaPHARMACIE est disponible en pharmacie et paraît dix fois par an.